Pour célébrer le début de l’année 2022 et souhaiter à vous toutes et tous un serein retour au travail, nous vous présentons le projet « Une année au Sahel, racontée par AICS Ouagadougou ».
À travers le coups raffinés et humoristiques du pinceau du peintre burkinabé Mahamadou Zinkoné, dit Babs, nous avons voulu recueillir la richesse, les couleurs, les visages, les histoires, les défis et les espérances qui constituent le prisme de l’expérience de la vie humaine au Sahel. Malgré les obstacles et les difficultés que malheureusement caractérisent cette région, nous restons fermement ancrés dans notre engagement et passion pour le Sahel, une région qui continue à laisser en nous, depuis plus de 30 ans de présence, une empreinte indélébile.
Les industries créatives et culturelles au Burkina Faso
Le Burkina Faso vit, aujourd'hui, une brillante phase de développement de ses industries créatives et culturelles grâce a la présence d'un capital humain talentueux et diversifié, mais entravé par le manque de structuration du secteur, d’expansion du marché et d’un soutien financier apte à permettre aux artistes de vivre de leur travail. C’est dans ce contexte qui s’insèrent plusieurs initiatives des acteurs de la Coopération Internationale, visant à soutenir le développement des industries créatives et culturelles (ICC) en tant que véritables filières économiques, productrices de revenu et porte-parole de l’histoire, des identités et de la valeur artistique du pays.
Le soutien à l’art et à la culture au Burkina Faso n’a pas toujours été suffisamment incisif pour permettre un développement solide et structuré du secteur. Lors de l’indépendance de la France (1960), les premiers gouvernements du Haute Volta ont poursuivi une politique de promotion des arts noires dans l’optique d’une affirmation postcoloniale et panafricaniste du pays, en compétition amicale avec les pays de la région. Toutefois, ces efforts se limitaient principalement à une expression des élites culturelles et politiques du pays et se trouvaient souvent éloignés des masses. C’est seulement sous la guide du héros national burkinabé, Thomas Sankara, que la culture gagne une place centrale dans la gestion étatique en tant que moyen idéologique au service du peuple. En effet, la culture contribue à poursuivre les objectifs du cadre général de la politique sankariste tels que le renforcement de la conscience sociale et de l’éducation civile, la lutte contre l’analphabétisme et la valorisation du monde rural. Cette période, connue comme l’âge d’or de la culture au Burkina Faso, voit la naissance du ministère de la Culture mais aussi les grands investissements étatiques pour la création des infrastructures culturelles à niveau national, la valorisation de la production artistique burkinabé et le renforcement de l’offre de formation.
Les vents de changement qui ont enveloppé le continent africain entier dans les années ’90 ont comporté une réduction considérable des ressources étatiques destinées aux industries culturelles et créatives. Cependant, sous l’effet de la libéralisation, le secteur a assisté à une progressive dynamisation du secteur privé et une diversification des acteurs. Accompagné par les efforts de l’UNESCO et des acteurs de la coopération internationale, le Burkina Faso a entamé au XXIème siècle un chemin de promotion des ICC en tant que secteurs prioritaires pour la cohésion ethno-sociale et la paix et propulseurs du développementéconomique du Pays.
Aujourd’hui, l’enjeu des arts et des cultures au Burkina Faso se présente ouvert et dynamique : les structures mises en place par l’État et les acteurs de la coopération internationale permettent une certaine croissance, et l’émergence de nouvelles plateformes et outils de communication, tels que l’Internet, favorisent la démocratisation de l’espace. Toutefois, de nombreux défis restent à affronter pour qu’un véritable renforcement du secteur soit atteint, à partir du volume des ressources disponibles et des financements à la formation des artistes.
Dans ce contexte, les arts plastiques et graphiques se placent comme l’une des filières les moins affirmées des ICC au Burkina Faso. Différemment du cinéma et du théâtre, les arts plastiques et graphiques reçoivent un soutien financier insuffisant. La croissance du marché interne et la présence d’un public international, surtout dans la capitale, a permis dans une certaine mesure le développement des activités d’artisanat, d’arts graphique et du design. Certains artistes, comme Babs, ont réussis à gagner notoriété sur la scène artistique locale et internationale et à ouvrir des ateliers de production, où ils transmettent leur profession aux nouvelles générations. Le métier de l’art reste, toutefois, une occupation précaire dont la rentabilité n’est pas assurée et qui nécessite d’un soutien externe.
Le panorama des arts visuelles burkinabé est en constant dialogue entre la coutume et les piliers de la tradition, le monde rural et les racines de la nature sahélienne, et les références aux modèles du monde globalisée et du chaos urbain. À travers sa richesse et sa diversité de techniques, l’art visuelle permets aux créateurs burkinabés de représenter tous les contrastes, les aspirations et les défis qui constituent le prisme de l’expérience d’être africain et burkinabé aujourd’hui.
L'artiste : Mahamoudou Zinkone, dit Babs
Il y a longtemps, j’avais acheté une peinture chez une boutique d’art et d’artisanat, car elle semblait assez bien faite : riche, intense, pleine de couleurs, en quelque manière dynamique, animée et fort intéressante ; possiblement, elle me semblait étroitement liée à quelque chose de familiale, et à la fois indéfini, ou que je ne parvenais pas à mettre à feu avec précision. Et quelque temps après, Carlo Paolini, l’ancien Coordonnateur des programmes de l’Union Européenne pour la gestion des ressources naturelles des Parcs transfrontaliers sahéliens, me donnait une leçon d’exactitude, et surtout de géographie économique autour du Burkina Faso du début des années 2000. Il me disait, à ma surprise : ‘Bien, tu vois ? Ceci c’est bien le maquis au fond de notre rue’.
Plus qu’étonné, j’étais confondu, mais à la fois ravi : j’avais trouvé mon repère : donc, les peintures de Babs étaient tout simplement la vraie vie de Ouagadougou. Et elles étaient, plus ouagalaises de la ville elle-même, car il n’y avait pour cela aucune déclaration officielle : elles étaient tellement parties de la vie du Burkina Faso, qu’il n’y avait pas aucune nécessite de l’indiquer avec exactitude, car elles-mêmes étaient la précision d’une histoire qui se mélangeait à la vie quotidienne. Au fait, elles contiennent tout le Burkina Faso dans quelque centimètre de talent artistique, avec un lyrisme que difficilement l’on retrouve dans des œuvres similaires.
La mosaïque des scènes, les petits (ou moyens) détails, apparentement déployés au hasard, les costumes des gens et leurs véhicules, les rues et les murs, les maisons et les arbres, les enfants et les pubs, tout est vibrant, palpable et plein de vie comme dans le réel. Tout cela est confirmé par les expressions du visage des dizaines des personnages qui se promènent, qui roulent, qui se reposent assis, qui bougent, ou qui restent en contemplation de la vie qui est devant eux, et qu’eux-mêmes certifient comme telle. L’art de Babs est celle du néoréalisme avec son dramatisme, mais aussi celle de la peinture naturaliste avec sa paix et sa poésie, et la magie de son art est de contenir tout ce qui se passe, et qui est parfait dans ses définitions et dans ses représentations. Une lyrique de la vie urbaine, qui capture l’essence de la joie et de l’énergie de ce Pays : le peintre de la paix, finalement, que nous espérons ne soit pas perdue, dans ces temps, durs et difficiles.